Faisons tous partie de la solution : chaque action compte pour réduire la pollution en Méditerranée

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© Markus Spiske on Unsplash

Dans le cadre de la Semaine verte de l'UE, la plus grande conférence annuelle européenne sur la politique environnementale, le Programme IEV CTF Med a organisé le 1er juin l'événement CLEANMED sous le titre "Les jeunes vers une pollution zéro en Méditerranée". L´événement composé de différentes sessions a rassemblé des jeunes militant.e.s écologistes méditerranéenn.e.s, a permis d´assister à des actions concrètes sur le terrain, de recueillir les contributions des participant.e.s et de réfléchir à la manière dont nous pouvons réduire ensemble la pollution dans la région

Des éco-aventurières parcourant le littoral en kayak pour ramasser les déchets aux chercheurs scientifiques qui étudient le niveau d'ingestion de microplastiques dans les espèces marines commerciales, chaque action compte pour faire de la Méditerranée un endroit plus sain et où il fait bon y vivre.

Plus de 150 participants de 21 pays ont pris part à notre expédition verte à travers la Méditerranée, un point chaud du changement climatique et de la biodiversité.

Lisez l'histoire complète.


Combattre l'inactivisme : agir au niveau individuel, communautaire et politique pour faire face aux conséquences du changement climatique

Il est italien et elle est libanaise. Ils partagent tous deux la Méditerranée, le militantisme climatique et la conviction que chaque action en faveur de la planète compte. Giovanni Mori est le porte-parole de Fridays for Future en Italie. Nouhad Awwad est militante chez Greenpeace et défenseuse de la nature. Alors que Nouhad estime que nous devons encore sensibiliser la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) aux conséquences du changement climatique sur le plan environnemental mais aussi sanitaire et social, Giovanni pense que nous disposons déjà de tout le savoir dont nous avons besoin pour agir. Cela dit, ils s´accordent qu´il est nécessaire d´agir au niveau individuel, communautaire et politique.

Nous devons agir. Soyez conscient de votre consommation d'énergie et d'eau. Soyez informé pour négocier avec vos représentants et faire pression sur eux.

Au niveau individuel, ils demandent de réduire la production de déchets et d'arrêter d'utiliser des produits en plastique à usage unique et montrer aux décideurs que nous valorisons notre environnement et que nous avons besoin de plus d'aires protégées et de lieux de conservation de la nature. Au niveau communautaire, on peut changer les habitudes et aller vers la mobilité douce (ex : le vélo) ou partager des ressources (ex : le covoiturage), faire passer le mot par tous les moyens : conférences dans les écoles, podcasts, etc. Au niveau politique, il faut s'engager avec nos représentants, afin qu'ils développent des outils adéquats (c'est-à-dire des lois) pour protéger l'environnement et les appliquer.

Une fois que vous agissez au niveau individuel, communautaire et national, vous pouvez alors passer à un niveau régional et international. Nous sommes tous confrontés à la catastrophe du changement climatique et de la pollution, nous avons besoin d´être connecté entre nous et de travailler ensemble pour sauver ce point chaud qu'est la Méditerranée.

Si les solutions sont appliquées, 99% de la population vivra dans un environnement beaucoup moins pollué. Commencez simplement par vous-même, puis encouragez toutes les personnes autour de vous. Qui sait? Vous allez peut-être inspirer la prochaine Greta Thunberg.

Naviguer en Méditerranée pour sensibiliser à la pollution

Passant à l'action, nous avons rencontré Annaëlle Marot et Solène Chevreuil, deux éco-aventurières françaises qui utilisent l'aventure comme moyen de sensibilisation à la pollution (marine). Parties début mai pour une expedition de 2 mois, elles ramment et pédalent pour nettoyer les rivières et le littoral méditerranéen en organisant des collectes de déchets tous les dimanches sur leur parcours. Depuis leur kayak, elles se sont connectées en direct pour partager leur expérience en expliquant que la force d'un tel projet réside dans les rencontres qu'elles font. Chaque fois qu'elles s'arrêtent dans un endroit, les gens les écoutent parce qu'elles sont sur le terrain en train de faire quelque chose de concret. Elles sont conscientes que la collecte des déchets ne suffit pas, mais c´est complémentaire avec d´autres actions tel que la législation climatique, le lobbying et la recherche scientifique.

Cette action simple leur permet d'atteindre des personnes qui se sentent moins concernées par le changement climatique et de les impliquer. Elles citent les invervenent.e.s précédent.e.s en disant que ce qui est important, c'est d´agir à l'échelle individuelle et de se connecter les uns aux autres.
 

Elles invitent tous les participant.e.s à rejoindre leur groupe d'éco-aventurièr.e.s et à participer à de futures expéditions dans le cadre du « Projet Azur ». Elles seraient  contentes de voir certains des participant.e.s lors d'une de leurs collecte de déchets dans les semaines à venir dans le sud de la France et en Catalogne.

Ce ne sont pas nos déchets, mais c'est notre planète.

Transformer les déchets en une solution efficace dans un lieu où l'environnement n'est pas une priorité
Majd Al Mashharawi de Palestine, nous a raconté en détail la réalité qu'elle vit à Gaza et comment elle a réussi à créer deux entreprises respectueuses de l'environnement au cours des cinq dernières années, en proposant de vraies solutions aux déchets de la construction et à l'approvisionnement en électricité.

D'un endroit où vous ne pouvez pas importer de matériaux pour construire des maisons, elle a réussi à construire une brique légère mais solide à partir de décombres et de cendres relogeant ainsi jusqu'à 35 000 personnes. C'est ainsi qu'est né GreenCake. Puis, elle a dû faire face à d'autres obstacles : comment produire ces briques avec seulement 3 à 6 heures d'électricité peu fiable par jour ? C'est ainsi qu'elle a trouvé une solution durable et propre : fournir de l'énergie solaire à un prix abordable. Sa deuxième entreprise est née : SunBox qui a fourni jusqu'à présent de l'électricité propre à 65 000 personnes.

L'histoire ne s'arrête pas là. Elle doit faire face aux 45% de taxes sur les composants de la solution solaire, obtenir les différents permis pour importer et expédier ces composants et faire face à des concurrents locaux qui proposent des batteries bon marché mais très polluantes pour les générateurs domestiques.

Pour aller plus loin, elle a commencé une recherche pour identifier les décharges illégales de batteries qui emploient des adolescents de 15 ans et leurs effets sur la santé.

 
Nous devons nous adapter à la situation, de nombreuses familles n'ont pas accès aux matériaux de construction. Nous avons pu reconstruire de nombreuses maisons.

En résumé, dans un endroit où le taux de chômage atteint 70 %, Majd Al Mashharawi propose des solutions de la communauté pour la communauté, créant des emplois et formant des étudiants universitaires sur les questions environnementales. En s'attaquant aux enjeux environnementaux, elle contribue également au développement de l'économie locale tout en abordant d'importants enjeux de santé.

Nettoyer notre pays, contribuer à l'économie circulaire et créer des emplois

Le Liban a connu une grande crise des déchets durant l'été 2015. Georges Bitar était rentré chez lui pour les vacances. Il a alors décidé de rester au Liban et d'agir. Il s'est rendu compte que les gens ne savaient pas comment recycler et quoi faire de leurs déchets. Il a développé une application qui explique comment recycler et propose un service gratuit de collecte des déchets recyclables directement à domicile. En moins d'une demi-heure, une personne vient chercher les déchets recyclables et les transporte vers les différents centres de tri. C'est ainsi que Live Love Recycle a été créé. 6 ans plus tard marqué par une crise économique, sanitaire et sociale culminant avec l'explosion du port de Beyrouth qui a détruit une grande partie de la ville dont les locaux de l'ONG, Georges Bitar a réussi non seulement à surmonter ces problèmes mais aussi à étendre le service à deux d'autres villes du Liban, créant 50 emplois décents.

Depuis que l'ONG existe, une communauté de 30 000 personnes recycle au Liban et ils ont collecté plus de 6 tonnes de déchets qui auraient été soit jetés dans des décharges, ou directement jetés dans la mer.

Lorsque vous trouvez des déchets du Liban sur les côtes grecques et françaises, vous vous rendez compte de l'ampleur du problème. Georges ne prétend pas détenir la solution unique. C'est une solution parmi d'autres. Si chacun de nous commençait à réduire ses déchets et à recycler, cela aurait un impact énorme sur notre planète. C'est absolument nécessaire quand on sait que même dans les pays les plus avancés de l'UE en termes de gestion des déchets, seuls 43 % des déchets sont recyclés.

Georges a lancé un appel pour encourager les Libanais à télécharger l'application Live Love Recycle et à l'utiliser. Son ONG est également prête à s'étendre à d'autres pays. Enfin, il a invité Annaëlle et Solène à visiter un jour le Liban si leurs kayaks les y amènent.


Boucler la boucle des déchets biodégradables : une réussite en Catalogne, Espagne

Lors de la deuxième session, nous nous sommes connectés en direct avec deux projets financés par le Programme IEV CTF Med pour voir sur le terrain comment l'argent de l'UE est utilisé afin d´innover dans la gestion des déchets et la surveillance des déchets marins.

D´abord, nous nous sommes connectés avec l'équipe du projet DECOST. De Les Masies de Roda, une ville de 700 habitants au nord de Barcelone, Joan, Mabel et Albert (BETA Technological Center) ont expliqué les trois étapes du projet pilote qu'ils mettent en œuvre pour recycler 100 % des déchets biodégradables de la ville. Les citoyens vont jeter leurs déchets biodégradables dans l'un des nouveaux composteurs installés. Après trois mois de décomposition dans cette installation, les citoyens peuvent venir chercher gratuitement des sacs de compost pour leur jardin. C'est facile et efficace. L'équipe DECOST est très fière d'avoir amélioré la gestion des déchets biodégradables, sans quoi ils auraient fini dans les décharges.





Des chercheurs méditerranéens étudient les effets sur la santé des microplastiques chez les poissons commerciaux
 

Notre expédition verte nous a conduit au laboratoire du Professeur Mohamed Bani à l'Université de Sousse en Tunisie. Le professeur en toxicologie nous a fait découvrir les différentes unités de son laboratoire dans lesquelles, avec son équipe, il identifie et caractérise les microplastiques trouvés dans deux espèces de poissons que nous consommons : la daurade et la sardine. Ils ont choisi ces espèces pour leur intérêt économique, mais aussi parce qu'elles sont très répandues au Liban et en Italie, deux pays partenaires du projet COMMON dans le cadre duquel cette recherche se fait.

De l'unité métagénomique à la transcriptomique, le Pr Bani a expliqué de manière très claire comment ils peuvent détecter des microplastiques chez ces espèces et analyser si ces microplastiques pourraient être un vecteur de maladie pour les êtres humains. Avec du temps, de la patience et de la passion, lui et son équipe font avancer la recherche scientifique au profit de tous et sensibilisent au danger des microplastiques.





Faisons partie de la solution : brainstorming sur la gestion des déchets plastiques et des biodéchets
 

Nous restons en Tunisie mais passons à une autre session - l´« ideathon » - deux études de cas ont été présentées afin que les participants puissent réfléchir et trouver des idées ensemble. Nous avons d'abord écouté Mme Khouloud Charfi du World Wildlife Fund (WWF) Afrique du Nord qui a présenté un cas spécifique de pollution plastique dans l'archipel de Kerkennah en mettant l'accent sur les pièges à poissons en plastique, les filets de pêche abandonnés dans la mer et le déversement de déchets par les habitants et les touristes.

Parmi les propositions recueillies auprès des participants, on peut citer l'utilisation de matériaux alternatifs pour les pièges à poissons (jonc, métal, bioplastique), la sensibilisation à travers des activités de plongée pour récupérer les filets de pêche en plastique, encourager les pêcheurs à arrêter d'utiliser les filets en plastique via des primes, transformer les filets de pêche en de nouveaux produits (artisanat), organiser un hackathon pour recycler les filets en plastique et enfin travailler avec les habitants et les touristes pour utiliser moins d'emballages à usage unique.

La deuxième étude de cas portait sur la gestion locale des biodéchets et  les raisons qui freinent les citoyens à accepter le compostage au niveau municipal. M. Ramon Plana, un expert espagnol en gestion des déchets, a expliqué comment introduire le compostage communautaire dans une petite ville du nord de l'Espagne.

En combinant son expérience et les contributions des participants, nous avons réalisé qu'il y a plus de probabilité de succès lorsqu'une approche ascendante est appliquée, demandant aux citoyens de faire partie de la solution. Lorsqu'il s'agit de convaincre les gens à s'engager, les mots clés sont : expliquer et écouter. Tout d'abord, le fournisseur de solutions doit expliquer que le compostage n'impliquera pas un grand effort de la part des citoyens, n'apportera pas d´insectes, ne produira pas d'odeurs, peut générer des bénéfices qui peuvent être investis dans la création d'emplois locaux. Ensuite, il est important d'être à l´écoute des personnes, de comprendre leurs réticences et de trouver une solution qui correspond à leurs attentes. Dans ce cas spécifique, ce qui compte le plus, c'est de penser aux bénéfices communs et non individuels.


Apprendre en jouant !
 

Après l'idéathon, nous avons fait un quiz de 10 questions sur la pollution en Méditerranée et le gagnant était M. Larbi Ben Tili, de Marsa en Tunisie, qui travaille pour le projet MED-InA.

Du local au global, comment étendre l´action et faire entendre notre voix pour sauver la Méditerranée
 

Pour conclure l'événement, Mme Rim Filali Meknassi de l'Union pour la Méditerranée (UpM) s'est concentrée sur quatre idées principales :

 

  • Premièrement, comme le niveau de sensibilisation au changement climatique est différent dans la région méditerranéenne, nous devons lutter contre l'inégalité d'accès à l'information ;
  • Deuxièmement, une fois que nous avons cette connaissance, il est temps d'agir et chaque action compte ;
  • Troisièmement, nous devons créer des synergies entre la sensibilisation et l'action sur le terrain. En faisant cela, nous créons un effet multiplicateur qui peut tirer parti de ces actions et les faire passer au niveau supérieur.
  • Quatrièmement, il est crucial d'étendre les initiatives locales et pilotes et là, l'UpM peut intervenir en portant ces expériences à l'attention des décideurs politiques.

 

Aujourd'hui, nous utilisons trois fois plus de ressources naturelles que ce que la région méditerranéenne peut fournir.

Par exemple, l'UpM travaille pour parler d´une seule voix méditerranéenne lors de la prochaine Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26). En octobre 2021, l'UpM devrait approuver son Agenda 2030 pour une Méditerranée plus verte, qui établit une base collaborative pour des solutions communes afin d´accélérer la transition vers une économie verte, circulaire et inclusive, avec la biodiversité au centre des préocupations.

Nous souhaitons que vous ayez apprécié notre expédition verte et que nous agirons dès maintenant pour protéger l'avenir de notre Méditerranée !