Le projet TRANSDAIRY booste le transfert de technologie dans le secteur laitier méditerranéen

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Dans le cadre du projet TRANSDAIRY qui porte sur l’utilisation de Technologies Clés Génériques [[1]pour améliorer la chaine de valeur du secteur laitier en Méditerranée, le programme IEV CTF MED a pris le temps d´échanger avec Dr. Fatma Trabelsi pour en savoir plus sur le transfert de technologie en Tunisie et plus concrètement sur l´expérience dérivant de la mise en œuvre de ce projet. Dr. Fatma Trabelsi est hydrogéologue et géomaticienne de formation. Elle est enseignante, chercheure à l´Ecole Supérieure des Ingénieurs de Medjez El Bab (ESIM), affiliée à l´université de Jendouba et l’Institution de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur Agricole (IRESA), coordinatrice du projet TRANSDAIRY en Tunisie et directrice de communication dudit projet. Elle est également l´un des points de contact nationaux pour le programme de recherche européen Horizon Europe.

Principaux obstacles des étudiants-chercheurs et du transfert des résultats de la recherche en Tunisie

La principale motivation de Mme Trabelsi pour s´engager dans un tel projet sachant que le secteur laitier n´est pas son domaine de compétence est l´aide aux chercheurs dans la création d´entreprise et améliorer le transfert technologique. Selon elle, les chercheurs en Tunisie regorgent de talents mais manquent de moyens financier et législatif pour pouvoir développer ce potentiel. Les chercheurs tunisiens sont très bien classés en matière de publications scientifiques mais ce classement chute quand on parle de numéro de brevets déposés ou de commercialisation de résultats de recherche.

Les chercheurs tunisiens sont très bien classés en matière de publications scientifiques mais ce classement chute quand on parle de numéro de brevets déposés ou de commercialisation de résultats de recherche.

Le chercheur tunisien est souvent confronté à un environnement peu propice pour appliquer ses résultats de recherches, notamment via la création d´un spin-off (une entreprise créée à partir des connaissances et technologies issues de la recherche, souvent d'un laboratoire universitaire ou scientifique).

En effet, lorsque le projet TRANSDAIRY fût rédigé en 2018, la notion de spin-off était encore balbutiante dans ce pays et même si quelques projets et expériences soutenus par des bailleurs de fonds internationaux ont permis de développer l´idée d´un statut « étudiant-entrepreneur », nous en sommes qu´à ses débuts. A ce propos vous pouvez consulter la circulaire sur la mise en œuvre du statut « Etudiant-entrepreneur » qui date du 8 novembre 2019.

Mme Trabelsi souhaiterait présenter une étude portant sur l´expérience des spin-offs dans le cadre du projet TRANSDAIRY aux ministères de tutelle de l´institution dans laquelle elle travaille (le Ministère de l´Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et le Ministère de l’l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche).

Par exemple, actuellement, nous ne savons pas si les revenus des spin-offs bénéficient à l´équipe de recherche ou à l´institution à laquelle elle appartient (l´université). Bref, il y a un besoin urgent d´adapter la législation tunisienne pour mieux encadrer le statut du chercheur-entrepreneur et faciliter le transfert de technologie.

TRANSDAIRY ou comment les Technologies Clés Génériques peuvent bénéficier au secteur laitier en Méditerranée ?

Le point de départ pour la mise en œuvre de ce projet est l´identification des besoins des agriculteurs pour améliorer la chaine de valeur du secteur laitier et analyser le potentiel des chercheurs dans les 4 pays participants : la Grèce, l´Italie, le Liban et la Tunisie.

Pour cela, les partenaires de TRANSDAIRY ont commencé par former un comité de veille (appelé focus group en anglais) constitué de toutes les parties prenantes en la matière, à savoir, des agriculteurs, des industriels du secteur laitier, des experts en technologies, des ingénieurs, des chercheurs, des professionnels des directions générales du Ministère de l´Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche dans le cas de la Tunisie.

A travers ces consultations, il en est ressorti que le principal défi du secteur en Tunisie porte sur la qualité du lait suivi par la gestion des stocks et le transport. Ce défi est également présent en Grèce. Tandis qu´au Liban et en Italie, le défi porte plus sur l´amélioration du processus de fabrication des fromages.

Qui dit qualité du lait, dit race bovine et nature des pâturages. Certes, une chercheuse a proposé de valoriser un produit présent dans les forêts tunisiennes pour améliorer la qualité de l’alimentation du cheptel mais le problème majeur réside dans la manière de conserver la qualité du lait à une bonne température, un bon taux de pH et ne pas détériorer la matière première le temps de la transporter du producteur jusqu´à la centrale laitière ainsi que la gestion des périodes excédentaires et déficitaires. 

C´est là qu´interviennent les chercheurs qui proposent grâce aux nanotechnologies, par exemple, des systèmes qui garantissent une meilleure traçabilité du cheptel, des biocapteurs pour mesurer le taux d´acidité et la qualité de l´eau ou des présures qui améliorent la fermentation.

TRANSDAIRY : un vrai coup de pouce pour les chercheurs et le transfert de technologie  ?

Une fois les besoins identifiés, les partenaires ont fixé les mêmes critères dans tous les pays participants pour choisir les candidats qui bénéficieront des formations.

Deux types de formations ont été réalisées. La formation aux formateurs adressée aux structures d´appui des chercheurs. En Tunisie, ce sont les Bureaux Universitaires de Transfert Technologiques (BuTT). Le personnel des BuTT a pu suivre des formations sur les brevets intellectuels, la réalisation de plan d´entreprise, de plan de commercialisation afin de soutenir les jeunes chercheurs-entrepreneurs dans leurs démarches de création de spin-off ou d´entreprise. Le deuxième type de formation a été destiné aux chercheurs portant des solutions innovantes en bio-nanotechnologies et sur les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) appliquées à la Chaine de Valeur Laitière (CVL). Les candidats sélectionnés ont ainsi suivi des formations sur l´entreprenariat, la commercialisation, etc.

Des évènements de courtage (brokerage events) ont été réalisés en Tunisie et au Liban afin de renforcer la visibilité, la mise en réseau et booster la capacité et la performance commerciale des porteurs de projets en bio-nanotechnologies et TIC appliqués à la CVL du projet TRANSDAIRY mis en place dans les quatre pays méditerranéens (Italie, Liban, Grèce et Tunisie). Ces événements furent de très bonnes occasions pour tous les innovateurs des quatre pays de se rencontrer et d'échanger entre eux et avec des professionnels de la CVL, des investisseurs du secteur privé et des bailleurs de fonds nationaux et internationaux à travers des tables rondes de mise en relation et des rencontres B2B.

Au cours des évènements de courtage organisés en Tunisie  et au Liban, des compétitions ont été organisé pour octroyer des coupons (vouchers) dans trois catégories différentes :

Co-publication : des groupes de chercheurs ont bénéficié de coupon d´une valeur de 2 000 euros pour couvrir les frais de publication scientifique.

Co-brevetage : des coupons d´une valeur de 8 000 euros couvrent les frais de co-brevetage international.

Démonstration : ces coupons prennent en charge les frais de démonstration de prototypes d´une valeur de 4 000 euros.

Enfin des subventions ont été octroyées pour la création de spin-offs au niveau national d´une valeur de 10 000 euros chacune.

Ces compétitions ont été répliquées dans chacun des 4 pays participants, afin de d’impulser une réelle dynamique de modernisation du secteur laitier.  

Le financement, c´est bien, les échanges à l´internationale, c´est encore mieux

Certes, le chercheur tunisien est confronté à des contraintes financières et un projet tel que TRANSDAIRY permet de couvrir certains frais mais la vraie valeur ajoutée de ce projet réside dans sa dimension transfrontalière.

Alors que le chercheur tunisien connait très bien son contexte national, il lui manque souvent la connaissance à l´échelle internationale. Par exemple, sa solution peut être très intéressante mais le marché local est trop restreint pour pouvoir la commercialiser. Ce genre de projet permet également de mieux connaitre les normes de commercialisation internationales, de bénéficier de formations dispensées par des experts internationaux, de trouver des complémentarités grâce aux échanges lors des évènements de courtage, de rencontrer d´autres chercheurs ou entrepreneurs et de pouvoir se positionner. En bref, d´ouvrir son horizon.

Alors que le chercheur tunisien connait très bien son contexte national, il lui manque souvent la connaissance à l´échelle internationale. Par exemple, sa solution peut être très intéressante mais le marché local est trop restreint pour pouvoir la commercialiser.

Le cadre législatif et la faisabilité : éléments clés avant de se lancer dans un projet de coopération en Méditerranée

Grâce à son engagement dans la réalisation de plusieurs projets de coopération transfrontalière, Mme Trabelsi nous a fait part de certaines de ses recommandations. D´abord, elle souligne avec pertinence que chaque pays a son propre contexte au niveau législatif. Dans le cadre du projet TRANSDAIRY, le chef de file est une université italienne qui avait probablement estimé la création des spin-offs transfrontalières possible. La réalité est tout autre et à ce jour, ce type de création n´est pas encore possible. Pour cela, il est indispensable que tous les partenaires soient conscients de ce qui est faisable en fonction du contexte de chaque pays. Elle recommande également d´alléger certaines tâches administratives au niveau de la mise en œuvre des projets.

Malgré cela, le jeu en vaut la chandelle. Dans un pays qui souffre de plus en plus de la fuite des cerveaux, voir que 12 personnes de différents laboratoires de recherche en Tunisie ayant participé aux activités de ce projet ont pu directement bénéficier de cette aide est source de satisfaction.

Pour plus d´information veuillez consulter les vidéos du projet disponibles dans la rubrique « Librairie », la section vidéo TRANSDAIRY | ENI CBC Med

 

 


[1] Les technologies clés génériques (TCG) correspondent à six grands secteurs technologiques que sont les micro- et nanotechnologies, la biotechnologie industrielle, les matériaux avancés, la photonique et les technologies de fabrication avancées. Source: euronews